Sivous souhaitez lire ou relire les poĂšmes les plus cĂ©lĂšbres et les plus beaux de Charles PĂ©guy, vous ĂȘtes au bon endroit. Bien que l’art soit subjectif, j’ai tentĂ© de sĂ©lectionner des poĂšmes incontournables de ce poĂšte en me basant sur mes prĂ©fĂ©rences personnelles et leur prĂ©sence dans plusieurs anthologies de la poĂ©sie française que j’ai pu lire. Lamort n’est rien. La mort n’est rien. Je suis seulement passĂ© dans la piĂšce Ă  cotĂ©. Je suis moi, vous ĂȘtes vous. Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donnĂ©. Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait. N’employez pas un ton diffĂ©rent. FichesDeLecturecom. Auteurs. Charles PĂ©guy. Charles PĂ©guy est nĂ© Ă  OrlĂ©ans le 7 janvier 1873, dans une famille modeste. Son pĂšre est menuisier et sa mĂšre rempailleuse de chaises. AprĂšs la mort de son pĂšre, Charles est Ă©levĂ© par sa mĂšre et sa grand-mĂšre. En 1885, il obtient une bourse pour Ă©tudier au lycĂ©e Pothier. LAMORT N EST RIEN - Charles PĂ©guy LA MORT N'EST RIEN La mort n’est rien, je suis simplement passĂ© dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi, vous ĂȘtes vous. Ce que nous Ă©tions les uns pour les autres, nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donnĂ©, Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait, N’employez pas un ton solennel ou triste, LAMORT N EST RIEN - Charles PĂ©guy · Les Seychelles · inconnu trouvĂ© sur le net · LES SEYCHELLES · KEVIN RICHARDSON · LA MORT DU LOUP - VIGNY · CHRISTOPHE LAMBERT & SOPHIE MARCEAU · LE LION Joseph Kessel · JE SUIS SCORPION ASCENDANT CANCER · ARIZONA · GUEPARD · MOZART, l'opĂ©ra rock · TAJ MAHAL · CALCUTTA. Voir plus . Lephilosophe Alain Finkielkraut a consacrĂ© Ă  PĂ©guy un ouvrage paru il y a plus de vingt ans (Le MĂ©contemporain – Paris, Gallimard, 1992; n.d.r. Les citations issues de ce livre sont indiquĂ©es ainsi : AF).Un hommage qui est une dĂ©fense, tant la postĂ©ritĂ© de cet auteur fut enfouie sous des rĂ©cupĂ©rations et rĂ©ductions, affaiblissant la vaillance de sa pensĂ©e et la richesse de Auteur: Nicolas de Chamfort, Ă©crit Ă  la mort d’Anne-Marie Buffon, le plus grand amour de sa vie. La mort n’est rien. Je suis seulement passĂ©, dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi. Vous ĂȘtes vous. Ce que nous Ă©tions les uns pour les autres, Nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donnĂ©. 7beuYeU. En 1873, Ă  OrlĂ©ans, la ville dĂ©livrĂ©e du joug anglais par Jeanne d’Arc plus de quatre siĂšcles auparavant, naĂźt Charles PĂ©guy. Sa maison natale se trouvait Faubourg Bourgogne. Cette rue quelque peu sinueuse, c’était tout simplement le chemin de terre que Jeanne d’Arc avait foulĂ© des sabots de son cheval quand, sortant par la Porte-Bourgogne, elle allait donner l’assaut Ă  la bastille de Saint-Loup ». Jeanne d’Arc – Emmanuel FrĂ©miet . Source DĂšs son enfance, la vie de Charles PĂ©guy est empreinte d’une grande dĂ©votion envers Jeanne. En 1892, pendant son service militaire, puis pendant ses Ă©tudes Ă  l’Ecole Normale, il commence Ă  Ă©tudier sa vie. En 1895, il Ă©crit Ă  un ami Je continue Ă  travailler Ă  l’histoire de Jeanne d’Arc, ou plutĂŽt de sa vie intĂ©rieure. ». Et Ă  un autre ami Je me suis rendu compte aussi qu’il Ă©tait dĂ©cidĂ©ment impossible, avec l’histoire telle qu’on est obligĂ© de la faire, de faire l’histoire de cette vie intĂ©rieure. Il m’est venu alors une idĂ©e que j’ai eu l’audace d’accueillir celle d’emprunter au drame, et au vers s’il y a lieu, toutes ses ressources. Je me suis assurĂ© que je ne serais peut-ĂȘtre pas trop mauvais ouvrier ». Lors de sa rentrĂ©e universitaire, en novembre 1895, il prĂ©texte une fatigue aux yeux et obtient de son directeur un congĂ© d’un an pendant lequel il entreprend d’écrire la premiĂšre version du drame Jeanne d’Arc, qu’il achĂšvera en 1897. Il faudra attendre treize ans pour entendre de nouveau PĂ©guy nous parler de Jeanne d’Arc. Mais alors, PĂ©guy sera revenu Ă  la foi chrĂ©tienne et ce sera l’admirable MystĂšre de la charitĂ© de Jeanne d’Arc 1910. [1]Les citations de ce paragraphe sont tirĂ©es des notices de Marcel PĂ©guy dans Les Ɠuvres poĂ©tiques complĂštes de Charles PĂ©guy. Un chef de bataille Ă  genoux Jeannette a 13 ans. Âme de priĂšre et solidaire de son peuple assiĂ©gĂ©, elle demande un signe Ă  Dieu. O MaĂźtre, daignez pour une fois exaucer ma priĂšre, que je ne sois pas folle avec les rĂ©voltĂ©s. Pour une fois au moins, exaucez une priĂšre de moi Voici presque un an que je vous prie pour le mont vĂ©nĂ©rable de monsieur saint Michel, qui demeure au pĂ©ril de la mer ocĂ©ane. Exaucez ĂŽ mon Dieu, cette priĂšre-lĂ . En attendant un bon chef de guerre qui chasse l’Anglais hors de toute France, dĂ©livrez les bons chevaliers de monsieur saint Michel mon Dieu je vous en prie une derniĂšre fois. » Le mĂȘme jour, dans la soirĂ©e, son amie Hauviette vient annoncer Ă  Jeanne que le Mont Saint Michel est sauvĂ©. Jeannette voit sa priĂšre exaucĂ©e Mon Dieu, vous nous avez cette fois exaucĂ©es ; Vous avez entendu ma priĂšre de folle ; Et ma vie Ă  prĂ©sent ne sera plus faussĂ©e. O mon Dieu, vous m’avez cette fois exaucĂ©e. Vous avez cette fois entendu ma parole ; Vous avez sauvĂ© ceux pour qui j’avais priĂ©. Vous nous avez montrĂ© mieux que par la parole Ce qu’il faut que l’on fasse aprĂšs qu’on a priĂ© Car les bons dĂ©fenseurs de la montagne sainte, AprĂšs avoir priĂ© tous les matins lĂ -bas, Partaient pour la bataille oĂč sans trĂȘve, et sans plainte, Ils restaient tout le jour, capitaine et soldats. VoilĂ  ce qu’il nous faut c’est un chef de bataille Qui fasse le matin sa priĂšre Ă  genoux Comme eux, avant d’aller frapper la bataille Aux Anglais outrageux. Mon Dieu, donnez-le nous. O mon Dieu, donnez-nous enfin le chef de guerre, Vaillant comme un archange et qui sache prier, Pareil aux chevaliers qui sur le Mont naguĂšre Terrassaient les Anglais. Qu’il soit chef de bataille et chef de la priĂšre. Mais qu’il ne sauve pas seulement telle place En laissant aux Anglais le restant du pays Dieu de la France, envoyez-nous un chef qui chasse De toute France les Anglais bien assaillis. Pour une fois encore exaucez ma priĂšre Commencez le salut de ceux que nous aimons ; O mon Dieu ! Donnez-nous enfin le chef de guerre Pareil Ă  celui-lĂ  qui vainquit les dĂ©mons. » Jeanne d’Arc, A Domremy, premiĂšre partie Je dĂ©cide que je vous obĂ©irai 1428, Jeanne a 16 ans. En rĂ©ponse Ă  la demande pressante de ses voix, elle dĂ©cide de partir. Sa dĂ©cision d’obĂ©ir Ă  Dieu prend sa source dans cette attitude de disponibilitĂ© et de confiance du disciple envers son MaĂźtre, de la servante envers son Seigneur. Mon Dieu, Pardonnez-moi d’avoir attendu si longtemps Avant de dĂ©cider ; mais puisque les Anglais Ont dĂ©cidĂ© d’aller Ă  l’assaut d’OrlĂ©ans, Je sens qu’il est grand temps que je dĂ©cide aussi ; Moi, Jeanne, je dĂ©cide que je vous obĂ©irai. Moi, Jeanne, qui suis votre servante, Ă  vous, qui ĂȘtes mon maĂźtre, en ce moment-ci je dĂ©clare que je vous obĂ©irai. Vous m’avez commandĂ© d’aller dans la bataille j’irai. Vous m’avez commandĂ© de sauver la France pour monsieur le dauphin j’y tĂącherai. Je vous promets que je vous obĂ©irai jusqu’au bout Je le veux. Je sais ce que je dis. Quoi qu’il m’arrive Ă  prĂ©sent, je vous promets que je vais commencer et que je vous obĂ©irai jusqu’au bout je l’ai voulu. Je sais ce que j’ai fait. » A prĂ©sent, ĂŽ mon Dieu, que je vais commencer, Si les Anglais ne veulent pas s’en aller bien, Donnez-moi la rudesse et la force qu’il faut Pour entraĂźner les durs soldats et les lancer Comme un flot dĂ©bordant qui s’emporte Ă  l’assaut. A prĂ©sent, ĂŽ mon Dieu, que je vais commencer, Si les Anglais ne veulent pas s’en aller bien, Donnez-moi la douceur et la force qu’il faut Pour calmer les soldats et pour les apaiser Dans leur pleine victoire, ayant fini l’assaut. Mais si, dans la bataille oĂč je vais travailler, Cette ouvriĂšre est faible, ou maladroite, ou lĂąche, Si l’ouvriĂšre est faible Ă  mener les soldats ; Et si, dans la victoire oĂč je vais travailler, Cette ouvriĂšre est faible Ă  sa deuxiĂšme tĂąche, Si l’ouvriĂšre est faible Ă  calmer les soldats ; Si je travaille mal en bataille ou victoire, Et si l’Ɠuvre est mal faite oĂč j’ai voulu servir, O mon Dieu, pardonnez Ă  la pauvre servante. » Pour Jeanne, sa mission est simple. Elle l’explique Ă  son oncle Ă  qui elle demande de la conduire au messire de Baudricourt qui pourra lui fournir l’escorte dont elle a besoin pour aller trouver le roi Mon oncle, ça n’est pas difficile Ă  comprendre Le royaume de France n’appartient Ă  personne qu’à Dieu ; mais Dieu ne veut pas le gouverner lui-mĂȘme il veut seulement le surveiller ; c’est pour cela qu’il en a donnĂ© le gouvernement Ă  ses serviteurs les rois de France ; depuis que le bon roi Charles est mort, c’est Ă  son garçon, monsieur le dauphin, que revient la France pour la gouverner ; les Anglais veulent s’en emparer quand mĂȘme ; le bon Dieu ne veut pas les laisser faire ; et c’est pour les en empĂȘcher qu’il veut que j’aille Ă  monsieur le dauphin. C’est bien simple. » Jeanne d’Arc, A Domremy, deuxiĂšme partie Photo Source Jeanne Ă©mue de compassion, Il faut sauver son Ăąme! » Jeanne combat pour le salut de son pays. Plus encore, elle intercĂšde pour le salut des Ăąmes. RĂ©sonne alors l’aspiration profonde du cƓur de PĂ©guy Il faut se sauver ensemble. Il faut arriver ensemble chez le bon Dieu » Hauviette Ă  Jeannette dans Le mystĂšre de la charitĂ© de Jeanne d’Arc Devant un prisonnier anglais, mort Madame Jeanne le regardait mort. Elle avait de grosses larmes dans les yeux. Tout Ă  coup elle a sursautĂ© – Mais il faut sauver son Ăąme ! il faut sauver son Ăąme ! » Il Ă©tait mort si vite qu’on n’avait pas eu le temps d’y penser. – Voyons ! vite ! quelqu’un ! qu’on lui donne l’absolution ! » Il y avait justement lĂ  un Franciscain, frĂšre Jean Vincent, qui revenait de se battre. Il avait mis une cuirasse par-dessus sa robe. Il s’est approchĂ© Madame Jeanne, moi, je veux bien, lui donner l’absolution, seulement il est mort. » – Ça ne fait rien ! ça ne fait rien ! allez ! allez toujours ! il faut sauver son Ăąme ! il faut sauver son Ăąme ! » FrĂšre Jean Vincent lui a donnĂ© l’absolution, mais je ne sais pas si ça compte, l’absolution donnĂ©e dans ces conditions-là
 » 
 Dites bien Ă  tous vos amis qu’on n’aille jamais plus Ă  la bataille avant de s’ĂȘtre bien confessĂ©s. Dites-leur aussi qu’on veille Ă  donner Ă  temps l’absolution aux blessĂ©s. » PriĂšre de Jeanne Ă  la bataille Puisqu’il faut, ĂŽ mon Dieu, qu’on fasse la bataille, Nous vous prions pour ceux qui seront morts demain Mon Dieu sauvez leur Ăąme et donnez-leur Ă  tous, Donnez-leur le repos de la paix Ă©ternelle. » Jeanne d’Arc, Les Batailles, premiĂšre partie Dans sa passion mĂȘme est rĂ©vĂ©lĂ©e sa compassion, son souci des Ăąmes. » Le 30 mai 1431, jour de son exĂ©cution, PĂ©guy met dans la bouche de Jeanne cette ultime priĂšre O mon Dieu, Puisqu’il faut qu’à prĂ©sent Rouen soit ma maison, Ă©coutez bien ma priĂšre Je vous prie de vouloir bien accepter cette priĂšre comme Ă©tant vraiment ma priĂšre de moi, parce que tout Ă  l’heure je ne suis pas tout Ă  fait sĂ»re de ce que je ferai quand je serai dans la rue,
 et sur la place, et de ce que je dirai. Pardonnez-moi, pardonnez-nous Ă  tous tout le mal que j’ai fait, en vous servant. Mais je sais bien que j’ai bien fait de vous servir. Nous avons bien fait de vous servir ainsi. Mes voix ne m’avaient pas trompĂ©e. Pourtant, mon Dieu, tĂąchez donc de nous sauver tous, mon Dieu. JĂ©sus, sauvez-nous tous Ă  la vie Ă©ternelle. » Jeanne d’Arc, Rouen, deuxiĂšme partie Bonjour mes anges ! Voici un joli poĂšme que j'ai trouvĂ© en me baladant sur le net... L'auteur l'a Ă©crit de son vivant, et je souhaitais vous le faire partager... En cliquant sur la photo, vous pourrez lire sa biographie sur WikipĂ©dia...La mort n’est rien La mort n’est rien, je suis simplement passĂ© dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi, vous ĂȘtes vous. Ce que nous Ă©tions les uns pour les autres, Nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donnĂ©, Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait, N’employez pas un ton solennel ou triste, Continuez Ă  rire de ce qui nous faisait rire ensemble, Priez, souriez, pensez Ă  moi, Que mon nom soit prononcĂ© comme il l’a toujours Ă©tĂ©, Sans emphase d’aucune sorte, sans trace d’ombre, La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifiĂ©, Elle est ce qu’elle a toujours Ă©tĂ©. Le fil n’est pas coupĂ©, Simplement parce que je suis hors de votre vue. Je vous attends. Je ne suis pas loin. Juste de l’autre cĂŽtĂ© du chemin. Vous voyez tout est bien. [Charles PĂ©guy] bientĂŽt quelque part mes anges ; L’historien Jean-Pierre Rioux publie en ce dĂ©but d’annĂ©e La mort du Lieutenant PĂ©guy, un livre qui retrace l’expĂ©rience de guerre du grand Ă©crivain jusqu’à sa mort le 5 septembre 1914. Occasion de revenir sur la conception de la guerre du directeur des Cahiers de la Quinzaine. soldats français en 1914 Charles PĂ©guy est mort debout. En soldat honorable, en soldat vertical. ArrivĂ©e au croisement de la route d’Yverny-la Bascule et de Chauconin, la 19e compagnie de PĂ©guy reçoit l’ordre d’attaquer les Allemands embusquĂ©s Ă  quelques centaines de mĂštres de lĂ . FiĂšrement dressĂ©, PĂ©guy commande le feu Tirez, tirez, nom de Dieu ! » Quelques instants plus tard, il est frappĂ© d’une balle en plein front et s’écroule dans une plainte Ah ! mon Dieu
 Mes enfants ! » Parmi les nombreux hommages consĂ©cutifs Ă  la mort de PĂ©guy, celui de son ami Daniel HalĂ©vy se distingue par sa luciditĂ© Je ne pleurerai pas son hĂ©roĂŻque fin. Il l’a cherchĂ©e, il l’a trouvĂ©e, il Ă©tait digne d’elle [
] Ne le plaignons pas. Cette mort, qui donne Ă  son Ɠuvre le tĂ©moignage, la signature du sang, il l’a voulue. » En effet, PĂ©guy a toujours eu une haute conscience de l’honneur et une admiration pour la figure du soldat. Cette mort est celle qui lui ressemble le plus. Sa vie aura Ă©tĂ© celle d’un soldat de plume, sa mort, celle d’un soldat tout court. Soldat, PĂ©guy l’était indiscutablement. Soldat français, PĂ©guy l’était d’autant plus. Dans sa Note conjointe sur M. Descartes, il s’applique Ă  distinguer deux conceptions radicalement opposĂ©es de la guerre. D’un cĂŽtĂ©, la conception française hĂ©ritĂ©e de la chevalerie et dont la finalitĂ© est l’honneur, de l’autre, la conception allemande hĂ©ritĂ©e de l’Empire romain et dont la finalitĂ© est la victoire. Le soldat français se bat pour des valeurs, le soldat allemand se bat pour gagner. Aux yeux de PĂ©guy, la logique de guerre allemande trouve son origine dans l’épisode du cheval de Troie. Ce n’est donc pas un Romain, mais le Grec Ulysse qui a le premier privilĂ©giĂ© l’issue de la bataille Ă  la bataille en tant que telle. Plus question pour le fis d’Ithaque de respecter un code, mais bien plutĂŽt d’utiliser la ruse et d’ĂȘtre fidĂšle Ă  sa rĂ©putation d’homme au mille tours ». Pour PĂ©guy, le systĂšme de guerre français est basĂ© sur le duel tandis que le systĂšme de guerre allemand est basĂ© sur la domination. Il prĂ©vient la guerre entre la France et l’Allemagne ne peut pas ĂȘtre envisagĂ©e comme un duel Ă  grande Ă©chelle puisque seule une des parties engagĂ©es respecte les rĂšgles chevaleresques du duel. Français et Allemands font la guerre, ils se font la guerre, mais ils ne font pas la mĂȘme guerre. Je dirai Il y a deux races de la guerre qui n’ont peut-ĂȘtre rien de commun ensemble et qui se sont constamment mĂȘlĂ©es et dĂ©mĂȘlĂ©es dans l’histoire [
] Il y a une race de la guerre qui est une lutte pour l’honneur et il y a une tout autre race de la guerre qui est une lutte pour la domination. La premiĂšre procĂšde du duel. Elle est le duel. La deuxiĂšme ne l’est pas et n’en procĂšde pas », explique PĂ©guy. soldats allemands en 1914 PĂ©guy estime que, lorsqu’on fait la guerre, la fin ne justifie jamais les moyens. Pour le soldat français, c’est plutĂŽt les moyens qui justifient la fin. Vaincre ne compte pas pour le chevalier, ce qui compte c’est de combattre, de bien combattre. En revanche, pour le soldat allemand, la maniĂšre importe peu, seule la victoire compte, qu’elle se fasse dans l’honneur ou le dĂ©shonneur concepts Ă©trangers Ă  cette race de la guerre ». Il y a une race de la guerre oĂč une victoire dĂ©shonorante, par exemple une victoire par trahison, est infiniment pire, et l’idĂ©e mĂȘme en est insupportable, qu’une dĂ©faite honorable, c’est-Ă -dire une dĂ©faite subie, et je dirai obtenue en un combat loyal », affirme PĂ©guy. Chevalier et samouraĂŻ Ces deux systĂšmes de guerre s’inscrivent dans une tradition Ă  la fois temporelle et spirituelle. Pour nous modernes, chez nous l’un est celtique et l’autre est romain. L’un est fĂ©odal et l’autre est d’empire. L’un est chrĂ©tien et l’autre est romain. Les Français ont excellĂ© dans l’un et les Allemands ont quelquefois rĂ©ussi dans l’autre et les Japonais paraissent avoir excellĂ© dans l’un et rĂ©ussi dans l’autre », note-t-il. Le chevalier, comme le samouraĂŻ, est une incarnation temporelle du spirituel. Leur sacrifice Ă©ventuel est une preuve du primat en eux du spirituel sur le temporel. Le soldat allemand en revanche, parce qu’il recherche la domination, est prĂȘt Ă  sacrifier du spirituel pour du temporel, des valeurs, pour la victoire. Cette rĂ©fĂ©rence au soldat japonais nous ramĂšne Ă  un autre texte de PĂ©guy, Par ce demi-clair matin, publiĂ© aprĂšs la crise de Tanger en 1905. PĂ©guy revient sur le sentiment d’assurance qui caractĂ©rise la nation française avant la dĂ©faite de 1870, un sentiment qui peut se rĂ©sumer ainsi [
] la France est naturellement et historiquement invincible ; le Français est imbattable ; le Français est le premier soldat du monde tout le monde le sait. » Dans Leur Patrie, Gustave HervĂ©, dont l’antimilitarisme insupporte PĂ©guy, se moque de cette assurance [
] il suffit de connaĂźtre l’histoire militaire du peuple français pour constater qu’il n’en est peut-ĂȘtre pas un seul en Europe qui compte Ă  son actif tant de dĂ©faites mĂ©morables, anciennes ou rĂ©centes », Ă©crit-il. Ce Ă  quoi PĂ©guy rĂ©pond [
] et il est sans doute encore plus vrai que le Français dans les temps modernes est le premier soldat du monde ; car on peut trĂšs bien ĂȘtre le premier peuple militaire du monde, et ĂȘtre battu, comme on peut trĂšs bien ĂȘtre le premier soldat du monde et ĂȘtre battu. » un samouraĂŻ Le seul soldat comparable au soldat français est le soldat japonais. L’équivalent japonais du chevalier courtois est le samouraĂŻ. Le mĂȘme sens de l’honneur anime ces deux figures du combattant. Le chevalier est un samouraĂŻ d’occident, comme le samouraĂŻ est un chevalier d’orient. Ces deux soldats ont le duel comme modĂšle, ce qui n’est pas le cas du soldat allemand. Le soldat allemand est puissant dans le mesure oĂč il est une des parties de l’armĂ©e. En tant qu’individu, il n’a pas la mĂȘme valeur que le soldat français ou japonais. L’Allemagne a une grande armĂ©e, mais n’a pas de grands soldats. La France et le Japon ont une grande armĂ©e et de grands soldats. [
] quand nous nous demandons si la France a encore la premiĂšre armĂ©e du monde, Ă  quel terme de comparaison pensons-nous ? nous pensons immĂ©diatement Ă  une autre puissance, Ă  une autre armĂ©e, Ă  l’armĂ©e allemande [
] de savoir si la France est ou n’est pas encore le premier peuple militaire du monde, si le Français, particuliĂšrement, est ou n’est pas encore le premier soldat du monde, Ă  quel terme de comparaison pensons-nous ? pensons-nous encore au peuple allemand, au soldat allemand ? non ; nous pensons immĂ©diatement au peuple japonais, au soldat japonais [
] » Le sacrifice du lieutenant PĂ©guy le consacre dĂ©finitivement chevalier, le consacre dĂ©finitivement samouraĂŻ. Par sa conduite exemplaire sur le champ de bataille, il a prouvĂ© qu’il n’était pas un patriote livresque, mais un patriote authentique. Le 17 septembre 1914, dans L’Écho de Paris, Maurice BarrĂšs lui consacre un article visionnaire Nous sommes fiers de notre ami. Il est tombĂ© les armes Ă  la main, face Ă  l’ennemi, le lieutenant de ligne Charles PĂ©guy. Le voilĂ  entrĂ© parmi les hĂ©ros de la pensĂ©e française. Son sacrifice multiplie la valeur de son Ɠuvre. Il cĂ©lĂ©brait la grandeur morale, l’abnĂ©gation, l’exaltation de l’ñme. Il lui a Ă©tĂ© donnĂ© de prouver en une minute la vĂ©ritĂ© de son Ɠuvre. Le voilĂ  sacrĂ©. Ce mort est un guide, ce mort continuera plus que jamais d’agir, ce mort plus qu’aucun est aujourd’hui vivant. » L'amour ne disparaĂźt pas de Charles PĂ©guy La mort n'est rien je suis seulement dans la piĂšce d'Ă  cĂŽtĂ© Je suis moi, vous ĂȘtes vous Ce que j'Ă©tais pour vous, je le resterai toujours Donnez moi le prĂ©nom que vous m'avez toujours donnĂ© Parlez moi comme vous l'avez toujours fait N'employez pas un ton diffĂ©rent Ne prenez pas un ton solennel ou triste Continuez Ă  rire de ce qui nous faisait rire ensemble Priez, souriez, pensez Ă  moi Que mon prĂ©nom soit prononcĂ© Ă  la maison Comme il l'a toujours Ă©tĂ© Sans emphase d'aucune sorte, sans trace d'ombre ! La vie signifie ce qu'elle a toujours signifiĂ© Elle est toujours ce qu'elle a Ă©tĂ© Le fil n'est pas coupĂ© Pourquoi serais-je hors de votre pensĂ©e Simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je vous attends Je ne suis pas loin, Juste de l'autre cĂŽtĂ©... Le texte intitulĂ© La mort n’est rien » est souvent lu lors d’obsĂšques. C’était ainsi le cas lors des funĂ©railles de la comĂ©dienne Annie Girardot, le 4 mars. La plupart des gens pensent que ce texte a Ă©tĂ© Ă©crit par Charles PĂ©guy, ce qui n'est pas le cas. Explications. La mort n'est rien je suis seulement passĂ©, dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi. Vous ĂȘtes vous. Ce que j'Ă©tais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donnĂ©. Parlez-moi comme vous l'avez toujours fait, n'employez pas un ton diffĂ©rent. Ne prenez pas un air solennel ou triste. Continuez Ă  rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez Ă  moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcĂ© Ă  la maison comme il l'a toujours Ă©tĂ©, sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre. La vie signifie tout ce qu'elle a toujours Ă©tĂ©. Le fil n'est pas coupĂ©. Pourquoi serais-je hors de vos pensĂ©es, simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je ne suis pas loin, juste de l'autre cĂŽtĂ© du chemin. » C’est dans les annĂ©es 90 que ce texte a fait son apparition dans les cĂ©rĂ©monies d’enterrement en France, avec Ă  chaque fois la mention de l’auteur supposĂ© Charles PĂ©guy. EtonnĂ©s, quelques PĂ©guystes, dont Jean Bastaire, se penchent sur l’affaire et concluent de maniĂšre dĂ©finitive ce texte est un faux, un apocryphe » Bulletin N°74 de l’AmitiĂ© Charles PĂ©guy, avril-juin 1996. Death is nothing at all » Mais alors, d’oĂč provient ce texte ? Qui en est l’auteur ? Jean Bastaire prĂ©cise avoir eu entre les mains plusieurs versions lĂ©gĂšrement diffĂ©rentes de ce texte, avec un style plus ou moins direct tutoiement ou vouvoiement. Selon les versions, on trouve par exemple les phrases suivantes exprimant une mĂȘme idĂ©e Ce que j'Ă©tais pour vous, je le suis toujours. » Ce que nous Ă©tions l’un pour l’autre, nous le sommes toujours. » Tout ce que nous avons Ă©tĂ© l’un pour l’autre demeure. » Jean Bastaire suppose alors qu’il pourrait s’agir d’une traduction. Ses recherches le conduisent jusqu’à un certain Henry Scott Holland », chanoine anglais 1847-1918. Eric Thiers, autre PĂ©guyste mobilisĂ© dans cette affaire, complĂšte. Selon ses sources, ce texte est extrait d’un sermon sur la mort intitulĂ© The King of Terrors », prononcĂ© le 15 mai 1910 Ă  la CathĂ©drale St Paul de Londres, peu aprĂšs le dĂ©cĂšs du Roi Edouard VII. La version originale du texte est la suivante

la mort n est rien charles péguy